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le groupe d’oeuvres

les peintures du groupe d’oeuvres déséquilibres de martin wörn présentent beaucoup de points communs. l’air de famille est évident. elles sont toutes carrées et reposent en elles-mêmes. leur articulation linéaire est symétrique. au centre se trouve toujours un petit carré divisé au milieu, en deux couleurs très souvent vives. elles sont encadrées par un fond se composant de deux tons de gris ou de noirs différents. ce sont des objets d’une épaisseur et d’une matérialité marquées, les bords de la peinture et la toile restent visibles en tant que supports de la couleur.

la symétrie linéaire par rapport à un axe médian central et vertical est annulée par l’application des couleurs, le déséquilibre se crée.on voit souvent une forme sombre contre une forme claire, le centre et le fond sont réciproquement inversés. la forme symétrique est un moyen d’atteindre la concentration et le calme; la forme calme renvoie aux couleurs et à leur interaction. les formes géométriques ne sont pas des buts en soi, mais plutôt des véhicules, des cadres pour la réalisation. la construction sert à l’élucidation.

les couleurs du fond, apparaissant uniquement dans des tons de gris et de noir en tant qu’encadrement du centre, sont neutres et déterminantes pour l’impression d’ensemble que produit ce groupe d’oeuvres. “la couleur délimite vers l’extérieur“ dit wörn. si l’on compare entre eux les tons de gris et de noir, on peut découvrir la différence ténue entre clair et sombre, froid et chaud, marron, verdâtre ou rougeâtre. le contraste peut être grand, même très grand ou bien se réduire à un minimum, jusqu’au seuil du perceptible.

le centre au contraire est le foyer, le champ d’action de contrastes forts et intenses entre des couleurs vives, et même entre des paires de couleurs complémentaires: rouge-vert, bleu-orange, violet-jaune. parfois les paires de couleurs se trouvent volontairement à côté de la complémentarité exacte. d’autres couples de couleurs émergent également: bleu-vert / jaune-vert, rouge / jaune et autres paires comparables. les centres représentent „le foyer ardent“, „les déséquilibres en mouvement“, comme le dit wörn, toujours en correspondance avec le fond, avec le cadre.

martin wörn, né en 1954, se préoccupe depuis vingt ans du phénomène de la couleur ainsi que des théories d’itten ou d’albers à propos de celle-ci, mais en général ceci apporte peu à ses propres investigations. ce qui lui apparaît important, c’est le cercle chromatique qu’il qualifie „d’arrière-plan“ et de „modèle de pensée“. „qu’est-ce que le rouge?“ se demande-t-il, et il répond: „le rouge, c’est l’idée“.

pour son propre travail pratique, la couleur, c’est pour lui le pigment véritable, la poudre de couleur en tant que matériel, ses couleurs ou sa coloration, sa luminosité, sa nouveauté, sa pureté et sa matérialité. pour chaque tableau, il mélange de nouveau chaque couleur, détermine son degré de brillance, sa coloration, sa température et son intensité. il se procure cette poudre, ces pigments auprès d’une entreprise de broyage de couleurs. c’est le matériel de base auquel il ajoute lui-même le liant, par exemple l’acrylique. trente pigments de base de gris se trouvent à son répertoire, et douze de noir. la fabrication des couleurs devient un processus artisanal qui anticipe déjà sur l’effet artistique. comme il le dit, à partir de „l’occasion technique“ se crée le message artistique et la possibilité d’une perception avec toutes les irritations possibles provoquées par les interactions des couleurs entre elles et par l’image qu’elles laissent sur la rétine.

es surfaces sont d’une subtilité impossible à décrire, tendres, veloutées ou légèrement brillantes, solides ou légères comme un souffle, ce sont les composantes d’une réalité visible et palpable. la couleur et sa surface sont des valeurs de sensations et d’expression: c’est la vue qui devient le sujet véritable.son travail artistique est d’une radicalité exemplaire. „la couleur et la forme sont les thèmes de ma peinture“ dit wörn.

peter staechelin: discours pour le vernissage de l’exposition „aspects de l’art construit xv - martin wörn“, e-werk, maison de l’art, fribourg, may 1998